L’avertissement du dodo : le tourisme en Asie-Pacifique va-t-il évoluer ou disparaître ?

dodo - image gracieuseté de Juergen Striewski de Pixabay
image gracieuseté de Juergen Striewski de Pixabay

A la Association de voyage en Asie du PacifiqueÀ l'occasion du sommet annuel d'Istanbul, et en prévision d'une période de bouleversements et d'opportunités majeurs, la PATA a redéfini sa vision et sa mission, visant à créer une « économie touristique significative en Asie-Pacifique » grâce à l'innovation, la collaboration et l'adaptabilité. Inspiré par l'événement d'Istanbul, cet article éclaire cette nouvelle réflexion.

Tourisme dans la région Asie-Pacifique Nous sommes confrontés à une convergence sans précédent de menaces existentielles : changement climatique, bouleversements technologiques et instabilité géopolitique. Ces forces remettront en question nos hypothèses et bouleverseront les modèles traditionnels.

Le changement climatique menace les écosystèmes et les paysages qui attirent les voyageurs. Pour les nombreux PEID (petits États insulaires en développement) et destinations côtières membres de la PATA, l'élévation du niveau de la mer met en péril les stations balnéaires, tandis que les conditions météorologiques extrêmes perturbent de plus en plus les voyages. L'aviation, essentielle au tourisme mondial, est sous surveillance pour ses émissions. Pourtant, si nous agissons avec vision, ces défis peuvent servir de catalyseurs à l'innovation.

La technologie dans le tourisme est une arme à double tranchant. Si elle risque d'accroître la fracture numérique, elle ouvre aussi des perspectives. Les plateformes numériques permettent aux entreprises touristiques dirigées par des jeunes et des femmes d'accéder aux marchés mondiaux. Les données intelligentes peuvent favoriser la gestion en temps réel, le contrôle des foules et une meilleure planification des destinations. L'enjeu est de faire en sorte que la technologie serve les communautés, et pas seulement les entreprises.

Le tourisme dépend de la paix. Son expansion – de 25 millions à 1.5 milliard d'arrivées internationales en 75 ans – s'est construite sur la stabilité d'après-guerre. Mais la montée du nationalisme et les troubles géopolitiques rendent les voyageurs méfiants. 

Autrefois abondant à l'île Maurice, le dodo n'avait aucun prédateur naturel jusqu'à l'arrivée des humains. En quelques décennies, il a disparu. Le dodo est le symbole d'une perte irréversible et un exemple édifiant de la rapidité avec laquelle l'exploitation et la complaisance peuvent effacer ce que nous pensions permanent.

Le tourisme en Asie-Pacifique se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Bien que ce secteur ait prospéré pendant de nombreuses décennies et rebondi après la pandémie, il est dangereusement vulnérable. Le changement climatique, le surtourisme, les fardeaux invisibles et la croissance non durable exigent de repenser radicalement la manière dont le tourisme est conçu, proposé, géré et mesuré.

Les piliers de la qualité de vie et d'une économie touristique significative

Nous approchons d'un point de bascule critique. Le changement climatique menace les merveilles naturelles, le tourisme de masse érode la culture et les communautés d'accueil sont de plus en plus désillusionnées. Ce n'est pas une menace lointaine, c'est une réalité qui se dessine, à moins que nous ne redéfinissions la réussite du tourisme en Asie et dans le Pacifique.

Le tourisme, autrefois célébré pour ses promesses, est aujourd'hui accueilli avec un scepticisme croissant. En tant qu'épouse d'un Balinais, j'ai pu constater à quel point un tourisme non contrôlé perturbe la vie locale. La philosophie balinaise du Tri Hita Karana – l'harmonie entre les gens, la nature et le divin – est mise à rude épreuve. Les communautés se sentent marginalisées et marchandisées.

Mais voici une vérité fondamentale : ce qui est bon pour les résidents est bon pour les visiteurs.

Le tourisme, façonné par la prospective, peut rapprocher les cultures, favoriser la compréhension et soutenir un développement inclusif. Un endroit où il fait bon vivre est un endroit où il fait bon séjourner.

Investir dans des communautés où il fait bon vivre, c'est investir dans des rues sûres, des infrastructures accessibles, des services publics et une vie culturelle dynamique. Ces éléments enrichissent la vie locale et l'expérience des visiteurs.

Les villes intelligentes, les services publics propres, les transports en commun et les soins de santé ne sont pas seulement des commodités pour les résidents : ils sont les éléments constitutifs d'un tourisme porteur de sens. Il en va de même pour des protocoles clairs de réponse à la crise, une forte fierté civique, un aménagement urbain réfléchi et une expression culturelle authentique. Le tourisme doit privilégier la culture réelle et vécue plutôt que les spectacles. Le tourisme communautaire donne aux habitants un pouvoir d'action, préserve leur identité et répartit les bénéfices plus équitablement.

Une économie touristique significative respecte les personnes et les territoires. Elle favorise des salaires équitables, la protection de l'environnement et l'équité sociale. Un développement axé sur la qualité de vie transforme la préservation culturelle en source de fierté et de progrès.

L'économie du tourisme pour les dodo

Pendant trop longtemps, l'industrie du tourisme a associé succès et croissance : plus d'arrivées, des séjours plus longs et des dépenses plus élevées. Mais cette vision étroite s'est faite au détriment de la durabilité, de la résilience et du bien-être local. Aujourd'hui, ces indicateurs ne suffisent plus, et continuer à les suivre risque de faire plus de mal que de bien.

L'importance excessive accordée au nombre de visiteurs fausse les priorités. Elle incite les gouvernements à investir dans la promotion plutôt que dans la protection, et dans le marketing plutôt que dans la gestion.

Comme l'a si bien dit Peter Drucker : « Si vous ne pouvez pas le mesurer, vous ne pouvez pas le gérer. » Pourtant, les outils dominants sur lesquels nous nous appuyons, tels que les comptes satellites du tourisme, continuent de privilégier le volume à la valeur.

Il ne s'agit pas de rejeter l'économie du tourisme ; il faut la faire évoluer. La réussite doit être redéfinie pour refléter ce qui compte vraiment : des communautés prospères, des cultures préservées et des environnements sains. Il est temps de mesurer la véritable valeur du tourisme : non seulement le nombre de visiteurs, mais aussi ce qu'il apporte en retour.

Nouveaux indicateurs de réussite pour la région PATA

À l'approche du 75e anniversaire de la PATA, l'heure n'est pas seulement à la réflexion, mais aussi à la réinvention. Nous devons tracer un avenir en phase avec les réalités d'un monde en mutation.

L'ancien modèle mesurant le succès du tourisme en termes de fréquentation et de dépenses ne suffit plus. Nous devons nous poser des questions plus profondes. Le tourisme contribue-t-il à l'épanouissement des communautés ? Préserve-t-il la culture et la nature ? Favorise-t-il la paix ?

Pour accompagner cette évolution, la PATA développe l'Indice PATA, un outil d'analyse comparative des performances touristiques permettant aux destinations d'évaluer la manière dont les revenus du tourisme sont réinvestis, ou la manière dont le patrimoine culturel est vécu plutôt que mis en valeur. À terme, cet outil recentrera l'attention sur la promotion au profit d'une gestion ciblée, et sur la valeur à long terme au profit des gains à court terme.

Le tourisme doit faire partie de la solution aux menaces existentielles d’aujourd’hui :

  • Concernant le climat, il est urgent d'agir. Maurice Strong nous l'avait prévenu il y a plusieurs décennies : retarder l'action revient à réorganiser les transats sur le Titanic. L'initiative SUNx Dodo Learning aide les jeunes à adopter des modes de transport respectueux du climat grâce à la créativité et à l'éducation.
  • En matière de technologie, l'accès équitable est essentiel. Avec les bons outils et les bonnes garanties, la technologie peut donner du pouvoir aux microentreprises, améliorer la circulation des visiteurs et permettre une planification plus intelligente.
  • En géopolitique, le tourisme demeure une force tranquille au service de la paix. Mark Twain a écrit : « Voyager est fatal aux préjugés, au sectarisme et à l'étroitesse d'esprit. » À l'ère de la polarisation, le tourisme permet de construire des ponts. La région PATA, riche de sa culture et de son hospitalité, est particulièrement bien placée pour mener cette diplomatie du soft power.

L'Asie-Pacifique n'est pas seulement résiliente, elle est aussi pleine de ressources. Tradition et modernité cohabitent ici dans une harmonie dynamique. Mais le leadership exige une action commune. La communauté PATA doit s'unir pour repenser le tourisme comme un vecteur de résilience, d'équité, de bien-être et de sens.

Conclusion : Un choix pour l'avenir

Comme le dodo, le tourisme en Asie-Pacifique pourrait ne pas percevoir le danger avant qu'il ne soit trop tard. Mais contrairement au dodo, la PATA a la clairvoyance et le pouvoir d'agir. Le moment est venu pour les destinations de la PATA de prendre les devants, non seulement en tant que moteurs de la croissance économique nationale, mais aussi en tant que garantes de quelque chose de bien plus vaste : le bien-être des communautés, la continuité culturelle, la résilience environnementale et la compréhension mondiale. Redéfinir la réussite n'est plus une option, c'est un impératif.

La PATA abordera cette situation avec vision et détermination en soutenant une économie touristique dynamique en Asie-Pacifique, qui donne plus qu'elle ne prend. Nos membres démontreront que nous avons entendu l'avertissement et choisi une voie plus sage.

La région PATA se trouve à la croisée des chemins. Le prochain chapitre n'est pas encore écrit. Ne suivons pas le dodo et ne tombons pas dans l'oubli, mais élevons-nous plutôt en modèle de régénération, de résilience et de progrès significatif.

S’abonner
Informer de
invité
0 Commentaires
Nouvautè
Le plus ancien
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires
0
Nous serions ravis d’avoir votre avis, n’hésitez pas à laisser un commentaire.x